Le bestiaire ordinaire

Traité de biologie satirique

Babtus FragilusLe babtus fragilus est un rongeur discret, vivant dans les climats doux à tempérés et se reproduisant de mai à juin, à l'occasion de coïts opportunistes.

Pendant la haute saison, il dort très peu (en moyenne 12 heures par jour) et passe beaucoup de temps à la chasse, se nourrissant presque exclusivement d'escargots et de champignons glanés au cours d'hasardeuses cueillettes.

Après une courte nuit, le babtus fragilus émerge de sa torpeur à la dixième heure solaire. Il faudra néanmoins une autre heure pour que son corps engourdi se détende, et que notre super-prédateur reprenne ses esprits, encore las des pérégrinations de la veille.

Après de longs étirements dans le foin de sa paillasse chaude, le babtus fragilus s'accorde un léger déjeuner, composé de noisettes au miel, de charcuterie fumée généreusement trempée dans du lait de chèvre, et de quelques Kinder Bueno. Ce petit encas aura fatigué le fragilus, qui retournera à sa paillasse quelques instants, honorant ainsi la première de ses 6 siestes quotidiennes.

Animal diurne, le babtus sortira péniblement de sa caverne vers midi, l'air frais facilitant la digestion tout en aiguisant l'appétit. Le soleil dardant aura cependant vite raison de ce mâle alpha, dont la peau fragile ne supporte que très peu les ultraviolets, et dont l'organisme est particulièrement sensible aux pollens et autres miasmes allergènes que chaque saison apporte.

Après cette escapade aussi dangereuse qu'harassante, où il n'est question que de survie parmi les éléments déchaînés, le babtus retourne à l'ombre de sa grotte savourer un repos bien mérité, et un roupillon on ne peut plus salutaire.

Certaines études* ont démontré que pendant sa sieste, le babtus fragilus rêve... qu'il fait la sieste ! Ce cercle vertueux maximise la récupération et la croissance de ce corps vigoureux, véritable force de la nature.

Ainsi vers 14h, le babtus entame une impitoyable partie de chasse qui seule peut apporter les protéines indispensables à son régime carnivore. Le tueur né profite de ce bol d'air pour entretenir cette férocité naturelle qui lui a permis de dominer son environnement : après avoir ramassé quelques châtaignes dans la forêt, non sans quelques ecchymoses, dues à ce mode de vie sauvage, le carnassier rentre à sa grotte les pieds endoloris, sa grande carcasse affamée et déshydratée par ce long périple.

De là, il s'octroiera une petite sieste, la faim harcelant notre hôte et le maintenant dans une nervosité primitive que seul un copieux déjeuner pourra estomper. Des châtaignes accompagneront donc son modeste repas : un coq normand farci aux truffes et ses pommes de terres canadiennes puisées dans sa réserve printanière et sautées au beurre d'Isigny. Autant de victuailles conquises après des campagnes acharnées, où la loi du plus fort est la seule règle ! Une bouteille de Château Laffitte, issue d'un récent butin âprement disputé, finira de lui apporter tous les nutriments que la vie en climat hostile nécessite.

Ces frugalités achevées, le babtus fragilus entamera alors la plus longue de ses 6 siestes quotidiennes. La plus importante ! Puisque qu'elle le mènera en début de soirée, où l'ordre naturel veut que le babtus rejoigne ses congénères pour l'apéro rituel.

* certaines études : notamment les rapports annuels de l'APB (Association de Protection des Babtus), sur lesquels s'appuie le livre d'Ulrich De Nemours, « À quoi rêve les babtus ».